À l'occasion du SIMI 2017, BureauxLocaux organisait une conférence sur l'impact du numérique sur la transaction immobilière. Quel avenir pour les agents immobiliers ? La désintermédiation est-elle une menace pour ces professionnels et quelles initiatives mettent-ils en place pour se protéger des nouveaux modèles ? Devant une salle comble, Sophie Desmazières (BureauxLocaux), Olivier Gérard (FNAIM Entreprises) et Vincent Pavanello (Real Estech) ont débattu pendant plus d'une heure sur ces sujets structurants pour l'avenir de toute une profession. Entre vidéos, tweets et citations, revivez cet événement comme si vous y étiez !
En ouverture de cette conférence, Sophie Desmazières est revenue sur l’avant Internet, comment les entreprises recherchaient des bureaux avant que le web devienne un réflexe ? “À la création de BureauxLocaux en 2008, quand une entreprise cherchait des bureaux, le réflexe était d’appeler un conseil, de regarder les panneaux et puis dans 3 cas sur 10, éventuellement, de consulter le web.”
Aujourd’hui, les habitudes des entreprises ont évidemment changé, poussées par de nouveaux outils qui ont simplifié l’accès à l’information. “Aujourd’hui, un projet immobilier, qu’il soit résidentiel ou tertiaire, commence sur Internet” affirme la présidente de BureauxLocaux. “Grâce au web, l’offre est disponible en quelques clics. On a les prix, les photos, la géolocalisation... Le marché est beaucoup plus transparent, c’est une révolution formidable pour tout le monde.”
"En 8 ans, la transparence a incroyablement augmenté. Aujourd'hui, les internautes ont accès aux photos, aux prix et à la géolocalisation pour les annonces de bureaux" Sophie Desmazieres, présidente @Bureaux_Locaux pic.twitter.com/j930GwpebK
— IMMOMATIN (@IMMOMATIN) 6 décembre 2017
Interrogés par le biais d’un outil de sondage interactif pendant la conférence, 88% des 200 professionnels dans la salle ce jour-là ont d’ailleurs estimé que la transparence apportée par le web dans l’immobilier d’entreprise était bénéfique pour le secteur.
De son côté, Olivier Gerard, Président de la FNAIM Entreprises, est revenu sur une période fondatrice pour les agents immobiliers spécialisés dans le tertiaire : “Nous avons connu une crise économique lourde qui a été liée certainement à trop de financement, à trop de spéculation au tout début des années 90.”
C’est parce qu’à ce moment (déjà), la menace de la désintermédiation planait sur l’immobilier que les brokers ont réinventé leurs méthodes de travail pour faire évoluer leur métier. “L’économie immobilière s’est stoppée et a été réinventée avec cette crise. C’est à cette époque-là que des fonds anglo-saxons ont amené avec eux tout un panel d’outils dont nous nous sommes inspirés dans notre métier” se rappelle-t-il.
Après ce retour sur la génèse de la digitalisation de ce secteur, Vincent Pavanello a comparé la situation du tertiaire avec l’immobilier résidentiel. Dans son livre “L’immobilier demain”, le co-fondateur de Real Estech observe 3 asymétries qui ralentissent le parcours immobilier des occupants : “D’abord, l’accès à l’offre. Quels sont les biens disponibles et comment y accéder ? Ensuite, une fois que j’ai identifié un appartement ou un espace de bureaux, quelle est la qualité de ce bien ? Et enfin, le prix. Comment est-il fixé ? par qui ? selon quels critères ?”
Pour lui, sur ces 3 asymétries d’information, le résidentiel a bougé plus tôt que le bureau pour une raison simple : le volume de transactions y est plus important. “Dans le logement, les gens changent déménagent de plus en plus, ont plus d’expérience en immobilier et s’attendent donc à une meilleure qualité de service,” observe-t-il avant de conclure : “on voit moins ça dans les bureaux, mais ça commence à venir !”
Du point de vue de la visibilité des biens, le jeune entrepreneur s'est réjoui de l’impact du web et en particulier “des plateformes comme BureauxLocaux qui simplifient l’accès à l’offre.” Sophie Desmazières l'a naturellement rejoint sur l’importance des sites d’annonces et ajoute : “chercher des bureaux est un vrai casse-tête mais j’ai la conviction que ça va l’être de moins en moins et que grâce aux plateformes, les entreprises bougeront plus et le marché sera plus fluide.”
#SIMI2017 « Chercher des bureaux est un casse-tête mais grâce aux plateformes ça sera de plus en plus simple » Sophie Desmazières #immobilier @salonsimi pic.twitter.com/3PJ78Vfbzx
— BureauxLocaux (@Bureaux_Locaux) 6 décembre 2017
La fondatrice de BureauxLocaux est persuadée qu’avec plus de transparence, le secteur se développe et s’assainit. “Les marchés qui se font ubériser sont ceux dans lesquels les clients n’ont pas été assez écoutés,” ajoute-t-elle.
En partant de ce constat sur l’ubérisation, Eric Tréguier, rédacteur en chef de la rubrique Finances privées de Challenges, a ensuite fait un parallèle avec des secteurs récemment touchés de plein fouets par l’arrivée de nouveaux modèles : “Quand on rencontrait un hôtelier ou un chauffeur de taxi il y a quelques années, ils étaient convaincus de la qualité de leur service. Et pourtant, il y a eu Airbnb et Uber !”
Pour défendre sa profession et l’évolution récente du rôle du conseil en immobilier d’entreprise, Olivier Gérard a alors repris sa casquette de Managing director de CBRE France. “Les conseils proposent aujourd’hui une dizaine de services complémentaires entre eux et non plus un produit unique,” observe-t-il. Selon lui, après la crise financière évoquée quelques minutes plus tôt, les agents immobiliers ont été amenés à se professionnaliser, “à savoir parler finance, cashflow, dette, fiscal, loi, légal... et à pouvoir accompagner l'utilisateur jusqu'à l'aménagement de son espace.”
"Dans l'#immobilier, nous sommes dans une logique de haute couture plutôt que de mass market." @oliviergerardcw. Il y a une complexité dans le besoin de chaque entreprise que le digital ne couvre pas... pour le moment @Bureaux_Locaux pic.twitter.com/sV0e3UFLqZ
— CBRE France (@CBREFrance) 6 décembre 2017
Dans le métier depuis 30 ans, Olivier Gérard a ensuite insisté sur la réelle valeur ajoutée du service rendu, à l’heure où les nouvelles technologies valorisent surtout la rapidité et la simplicité d’accès : “Pour faire la comparaison avec l’alimentation, il est très facile de se faire livrer un hamburger au bureau mais plus compliqué d’avoir un repas équilibré fait par un chef trois étoiles livré dans les mêmes conditions que le hamburger.”
S'ils travaillent à l’élargissement de leur gamme de services pour éviter toute tentative d’ubérisation en immobilier d'entreprise, l'avenir des agents immobiliers sera-t-il menacé par la désintermédiation ? Pour répondre à cette question, la présidente de BureauxLocaux a présenté les résultats de la dernière étude réalisée par le site auprès de ces utilisateurs qui montre que 98% des chefs d’entreprise se disent prêts à travailler avec un conseil pour leur projet immobilier.
Ubérisation, digitalisation...le numérique va-t-il révolutionner l' #immobilier d'entreprise? #SIMI2017 @Bureaux_Locaux @FNAIM @RealEstech pic.twitter.com/08ROsPQ1cU
— JLL Agence (@JLL_Agence) 6 décembre 2017
À ce sujet, Vincent Pavanello s'est, lui aussi, montré catégorique : ”Je pense que la désintermédiation au sens large est un mythe. 80% des gens qui prétendent désintermédier un secteur sont précisément des intermédiaires en plus.” Pour lui, la bonne question est de savoir qui apporte le conseil, l’homme ou la machine ? “Pour les 10 années à venir, les brokers n’ont pas de soucis à se faire. Mais d’ici quelques années, les algorithmes seront plus efficaces que les hommes pour conseiller les entreprises et les orienter vers la meilleure offre. À ce moment là, les cartes seront peut-être redistribuées.”
Pas de quoi effrayer Olivier Gérard, convaincu que les enjeux des entreprises en matière d’immobilier sont plus complexes qu’un simple matching : “Aujourd’hui pour accompagner un utilisateur sur sa réflexion immobilière, on doit comprendre ses logiques d’entreprise, ses besoins de sécurité, les liens qu’il peut avoir avec les partenaires sociaux, les temps de transport de ses collaborateurs… La machine n’est pas capable d’apporter des solutions sur cet aspect humain complexe.”
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— Clerville (@Clerville_immo) 6 décembre 2017
Dans la salle, 74% de l’audience estimait que les agents immobiliers n’allaient pas disparaître. S’il convient de tempérer ces résultats car la majorité des participants étaient eux-mêmes professionnels de la transaction, Sophie Desmazières a conclu cette conférence sur une note plus qu'encourageante pour la profession : “on ne va pas vers la disparition du métier d’agent immobilier, il y a eu des tentatives mais ce n’est pas ce qui se développe dans le monde. On n’est pas dans une dynamique de destruction du secteur, mais dans une dynamique de changement.”