À l’heure de l’économie numérique et alors que les maîtres mots mobilité, entrepreneuriat, autonomie et digitalisation règnent largement au sein des entreprises, les espaces de travail évoluent eux aussi naturellement avec l’avènement des bureaux flexibles, contrats de prestation de services et plus généralement, ce qu’on entend par coworking.
Quelle est l’ampleur de ce phénomène en France ? Qui sont les acteurs principaux ? Quels mouvements immobiliers cela entraîne-t-il ? Quels seront les enjeux pour les professionnels de l’immobilier d’entreprise dans les années à venir ? À l'occasion de la 1ère journée "La France aime le coworking" organisée le 21 mars 2019, BureauxLocaux dresse un état des lieux et perspectives de ce nouveau phénomène disruptif et futuriste.
Depuis 2012, le nombre d’espaces de coworking à été multiplié par dix pour atteindre 14 000 espaces dans le monde, dont plus de 700 en France. En 2018, les 250 centres d’Île-de-France représentaient plus de 300 000 m², soit 3% de l’offre disponible.
"Les propriétaires de bureaux traditionnels ont tout de même toujours de beaux jours devant eux puisque le stock d’offres de coworking ne représente encore qu’un tout petit pourcentage en Ile de France (1% fin 2018)," rassure Olivier Taupin, Directeur de l’agence Cushman & Wakefield Ile-de-France. "En revanche, en participant à une réelle dynamique de marché, cette tendance de fond est vouée à s’intensifier pour atteindre 10% en Ile-de-France d’ici 5 à 10 ans avec de nouvelles façons de travailler."
Les surfaces recherchées sont aussi de plus en plus grandes avec une appétence particulière pour les plus de 5 000 m² au coeur des grandes villes. Côté utilisateurs, la fréquentation de ces établissements a augmenté de 41% entre 2017 et 2018.
L’IDF en tête, les grandes métropoles sur les talons
Si le développement des centres de coworking est particulièrement fort en région parisienne, la tendance suit la même dynamique en régions. Derrière Paris (30% des espaces) et Lyon (8%), Bordeaux est la 3e ville française en termes d’espaces de coworking. La belle endormie crée la surprise face à d’autres métropoles au parc de bureaux traditionnels plus vaste (Marseille, Lille…). Parmi les explications possibles : la nouvelle ligne de TGV qui rend la belle endormie accessible en 2h depuis Paris ainsi que la restructuration d’anciens quartiers de Bordeaux en immobilier tertiaire neuf.
À noter que 72% des nouvelles implantations se font dans Paris. Plusieurs ouvertures spectaculaires sont encore prévues au coeur de la capitale, même si les grandes marques regardent désormais aussi le mid-market (1.000 à 2.000 m²) dans l’optique de proposer des surfaces clé en main car les offres de 5.000 m² y sont extrêmement rares.
Une nouvelle tendance avec de nouveaux codes
De nouveaux codes émergent avec la volonté de mettre l’utilisateur au coeur des considérations. "On parle d’immobilier tertiaire auquel on applique des codes du retail" explique Philippe Morel, CEO de Dynamic Workplace et ancien patron de Nextdoor (Bouygues). Ces nouveaux codes sont : l’accessibilité - comme un hôtel ou centre commercial, la visibilité - showroom, les qualités intrinsèques - qualité d’usage à l’intérieur, une expérience différente.
L’atout-clé de ces marques de coworking est la qualité de vie qu’elles cherchent à instaurer au sein de leurs espaces, avec à la clé un réel impact sur la fidélisation de leurs occupants. Le taux de fidélité est ainsi de plus de 70% chez WeWork et même 95% chez Wojo (ex-Nextdoor) où certains clients sont présents depuis l’ouverture du premier centre en 2015.
Au-delà du business, les principes fondateurs du coworking s’articulent autour des services, des valeurs et de l’humain. Des espaces communs confortables et accueillants, une connectivité impeccable, un service de sécurité interne, des installations sportives, de détente, une piscine, un jardin, des contrats de prestations de services flexibles... "Tout est prévu pour alléger la charge mentale du chef d’entreprise qui signe pour un package complet et adapté à ses besoins à l’instant T," explique Philippe Morel.
Pour les espaces de coworking, l’amélioration de la qualité des services est une nécessité permanente. “On ne parle même plus de connexion haut-débit. Ne pas en avoir serait comme couper l’eau courante” ironise Philippe Morel. Ces offres servicielles permettent aux marques de se différencier avec leurs propres positionnement et concept : pro-working, well-working, pro-living, Welcome managers, Mojo, etc.
Des profils de toutes tailles
Les centres de coworking tentent de construire une communauté de profils très divers, de la start-up / TPE, aux grandes entreprises à la recherche de flexibilité et de mixité en passant par les équipes de moyennes entreprises qui s’excubent.
"De nombreux grands propriétaires développent leur propre marque de coworking (Covivio, Gecina). Ils offrent ainsi à leurs clients une certaine flexibilité à l’intérieur de leur patrimoine de façon à pérenniser leur relation avec ces grands clients” explique Olivier Taupin. D’après lui, "lorsque Covivio dispose d’un immeuble dans Paris, la question est soulevée entre le proposer en location sur le marché ou bien de l’exploiter directement en centre de coworking sous sa marque Wellio. La balance penche de plus en plus fréquemment vers le coworking car la demande bénéficie d’une forte croissance," conclut-il.
Globalement pour les promoteurs, la tendance est à la livraison d’immeubles hybrides avec quelques étages en aménagements flexibles. La cohabitation entre bureaux traditionnels et espaces de coworking devient essentielle.
Contrat de prestation VS bail 3/6/9
"BureauxLocaux affiche les prix du marché en temps réel mis à jour en permanence avec les annonces du site" révèle Sophie Desmazières. Pour la Présidente de BureauxLocaux, "À Paris, le prix maximal oscille autour de 1 000€ par mois par poste. 12 000€ par an paraît être une somme élevée mais finalement, dans une prise à bail classique, le coût immobilier réel (sans parler des services) est plutôt de 12 à 15, voire 18 000€ par poste à qualité équivalente, sans compter les services, la dimension flexibilité, etc.” Ainsi, il est plutôt surprenant de constater que sans bail et donc sans engagement, la prestation est complète et à un coût moindre de 20-30% par rapport au poste de travail traditionnel.
Les enjeux pour une entreprise qui cherche à déménager concernent la flexibilité (durée et surface), les aspects financiers (dépôt, garantie), et l’engagement. Sophie Desmazières n’hésite pas à dénoncer le bail 3/6/9 comme inadapté au rythme de vie d’un nombre grandissant d’entreprises contemporaines. “Trois ans peuvent paraître une éternité pour une entreprise en croissance rapide, ou au contraire à l’avenir encore incertain. Le bail 3/6/9 ne correspond plus toujours à la vie économique des entreprises actuelles” observe la Présidente de BureauxLocaux. A l’inverse, les contrats de prestations de services sont en majorité d’une durée d’un an, même si avec l’effet de fidélisation, les clients restent finalement 2 à 3 ans voire plus.
Et demain ?
Philippe Morel évoque "un chemin, un processus d’accélération, le passage de la prise à bail traditionnelle à la consommation immobilière qui vont cohabiter de plus en plus car ils sont complémentaires. Cette tendance va atteindre 20% du parc immobilier dans les années à venir."
Les grands acteurs évoluent eux aussi, les nouveaux usages en termes d’expérience collaborateur vont s’imprégner de plus en plus. Ces aménagements, ces codes, vont être intégrés aux sièges sociaux pour gagner en créativité, en productivité et ré-embarquer les collaborateurs pour de nouvelles aventures dans les années à venir.
Pour télécharger le résumé de la conférence BureauxLocaux du 21 mars sur le coworking, remplissez le formulaire suivant :